J’avais envie de vous partager ici ce conte écrit en 2013 et qui figure dans mon livre Contes initiatiques et magiques publié en 2015. En le lisant, vous comprendrez qu’en cette année 2021 et pour les prochaines années qui suivront, nous avons plus que jamais besoin de cet Esprit de Noël… Puisse-t-il vivre longtemps en nos cœurs et ne jamais s’éteindre…
L’Esprit de Noël
Il était une fois, dans une forêt lointaine, un vieil homme attristé qui habitait dans un château. Le vieil homme n’avait guère d’ami, il était tel un ermite, car il vivait seul dans les bois. Pour se rendre à sa demeure, il lui fallait lui-même emprunter un chemin sinueux, très enneigé et loin de tous. Ainsi, il ne se risquait jamais très loin de sa maison et très peu de gens osaient s’aventurer sur cette route pour lui rendre visite.
Un matin, très exactement le jour avant Noël, le vieil homme à la barbe blanche se réveilla très tôt. Il avait le sentiment immensément grand qu’il devait, avant qu’il ne soit trop tard, transmettre ce message qu’il avait gardé secret pendant si longtemps. En fait, l’homme se faisait vieux et ne savait pas quand exactement son dernier souffle viendrait. Alors, cette journée-là, en quête de livrer son message si important, le vieil homme réfléchit donc à la façon dont il pourrait le faire car il ne savait pas comment s’y prendre pour le propager.
À la nuit tombée, puisqu’il n’avait toujours pas trouvé la façon de révéler son savoir, il pensa que la façon de transmettre son message n’était peut-être pas si importante. Il décida donc qu’il était temps pour lui de sortir de son refuge pour le faire connaître. S’il pouvait au moins rencontrer une personne pour le lui dire, ce serait mission accomplie. L’homme s’habilla donc chaudement et décida de partir à pied. Il enfila son parka, enfonça ses mitaines et se mit en route.
Sur le chemin du vieil homme, on pouvait y apercevoir un paysage tout blanc et enneigé où les sapins le saluaient faisant la révérence, un manteau blanc sur le dos. Après quelques minutes de marche, pas très loin d’où il habitait, le vieux monsieur vit au loin une petite chaumière. Une seule chandelle illuminait tout l’intérieur. Il espérait au moins y trouver une personne pour livrer son message avant que son dernier souffle ne vienne. Il cogna. Personne ne répondit. Ce n’était pas à cet endroit qu’il partagerait son secret.
Devant le froid et le vent qui s’intensifiait, le vieil homme décida tout de même de poursuivre sa route pour trouver un autre endroit où partager son message. Il marcha un certain temps dans la neige avant d’apercevoir une autre demeure. Il marcha tout lentement, éprouvant quelques difficultés à avancer. Même si la maison vers laquelle il s’était dirigé pour propager son message semblait vide, le vieil homme cogna tout de même à la porte. Aucune réponse. Personne ne vint l’accueillir.
Le vieil homme, décidé à transmettre son message, s’encouragea lui-même et pensa qu’il trouverait certainement un autre endroit où il pourrait le partager. Il replaça son manteau, s’emmitoufla jusqu’aux oreilles pour poursuivre sa route. L’ermite savait bien qu’en cette nuit de Noël qui allait commencer, très peu de gens, probablement, lui ouvriraient la porte. Mais sa détermination à continuer lui donna le courage d’avancer dans cette nuit froide et enneigée.
Ainsi, le vieil homme marcha péniblement pendant de longues heures et cogna à toutes les portes qu’il rencontra sur son chemin, mais personne ne lui répondit. Personne n’était là. Arrivant au seuil d’une autre demeure, il cogna encore désespérément. Le vieil homme baissa les yeux. Il se butait encore au vide qui habitait une autre maison. Comment faire en sorte que son message se rende dans les chaumières, dans le cœur même des habitants du village, quand tous avaient délaissé leur intérieur ?
Le vieil homme à la barbe blanche continua péniblement sa route. Sa respiration se faisait maintenant sifflante devant tant d’efforts déployés pour marcher dans la neige et braver le vent qui redoublait d’intensité. Décidément, son âge avancé ne lui permettait plus d’endurer si longtemps cette froide nuit enneigée : dans un moment d’inattention, il trébucha et tomba sur les deux genoux, les mains au sol. Le vieil homme se mit à pleurer devant ses forces qui faiblissaient.
— Personne ne m’a compris, sanglota-t-il, personne ne veut de moi. Je mourrai certainement en apportant avec moi le meilleur et tous ces gens qui n’auront pas eu mon message se perdront encore toujours plus loin de leur cœur.
Après un moment, en levant la tête, les yeux remplis de larmes, il remarqua cachée derrière des arbres enneigés, une lueur dans la forêt. Il se releva péniblement, s’approcha tant bien que mal et vit une maison au loin qui lui semblait tout illuminée. On pouvait même apercevoir de la fumée qui sortait de la cheminée. Le vieil homme, malgré sa peine, pensa qu’il était mieux pour lui de cogner à la porte de cette demeure pour au moins entrer et se réchauffer un peu. Rassemblant ce qui lui restait de ses forces, il se dirigea vers la chaumière. Ainsi, le vieil homme cogna à la porte de la demeure en lumière et une dame répondit :
— Qui est là, que puis-je pour vous ? questionna la dame aux yeux brillants.
Le vieil homme, un peu hésitant et essoufflé, se mit à parler :
— Je marche depuis longtemps et je me suis perdu. J’ai besoin d’un peu de repos, car j’ai très froid et je suis tombé.
— Entrez, venez vous réchauffer un peu au salon, fit la dame quelque peu inquiète.
Celle-ci, tandis qu’elle préparait un breuvage pour le visiteur, le regarda avec attention. Sa barbe était très blanche et ses yeux intensément bleus. L’homme se frottait les mains ensemble et semblait avoir beaucoup souffert. Mais il semblait si bon, si doux et si mystérieux à la fois. Pour en savoir un peu plus sur lui, elle le questionna.
— Qui êtes-vous au juste monsieur, je ne pense pas vous connaître dans la contrée ? demanda la dame de la maisonnée en lui remettant le breuvage tout chaud.
— Je suis l’Esprit de Noël, répondit directement et sans filtre le vieil homme en tentant de prendre une première gorgée.
D’un air interrogateur, la dame reprit :
— Quoi, que dites-vous ? Vous affirmez que vous êtes l’Esprit de Noël ? Que voulez-vous dire exactement ?
— Et bien, poursuivit l’homme candidement, je suis celui qui partage et qui donne, je suis celui qui sourit et qui rend joyeux. Je suis celui qui met dans le cœur des hommes et des femmes de la Lumière et de l’Amour, annonça le nouveau venu qui était installé dans le salon près du feu.
La dame, qui n’était pas trop certaine de s’expliquer ces propos, questionna à nouveau :
— Je ne comprends pas tout à fait ce que vous dites… Seriez-vous un peu confus cher monsieur ? Je sais que l’Esprit de Noël est en quelque sorte une ambiance que l’on vit un peu tous à notre façon à Noël, mais vous prétendez vraiment être cet Esprit ? demanda la dame, elle-même quelque peu désorientée par cette affirmation.
— Oui, c’est bien ce que j’affirme. Je suis l’Esprit de Noël. Les gens m’appellent dans leur cœur quand vient le temps de cette fête. Certains m’appellent quelques jours avant cette journée, d’autres m’appellent quand la neige se met à tomber. Hélas, de plus en plus de gens ne m’appellent plus du tout.
— Excusez-moi, continua la dame, mais je suis vraiment étonnée que l’Esprit de Noël puisse être une personne. Si vous êtes cet Esprit et que vous êtes la joie, l’Amour et la Lumière, pourquoi alors semblez-vous si triste ? N’êtes-vous pas heureux de voir que des gens se rassemblent et célèbrent Noël dans l’Esprit de Noël justement ?
— Oui bien sûr, répondit le vieil homme en toussotant, encore un peu essoufflé de sa longue marche. Cela met un baume sur mon cœur de voir que des gens vivent un peu dans l’Esprit de Noël lors de cette journée. Mais les autres jours de l’année, ils se perdent dans une multitude d’extravagances. Les gens n’ont pas compris qu’en cette journée de Noël, cette Lumière qui fait briller leurs yeux en cette journée si magique doit également naître dans leur cœur, elle doit grandir tous les jours en eux et chaque jour elle doit les accompagner.
Intéressée, la dame à la maison lumineuse écouta attentivement le vieil homme qui continua :
— Vous savez, je suis triste parce que j’ai cogné à plusieurs portes cette nuit, comme je cogne souvent à la porte de plusieurs cœurs, mais comme à l’habitude, personne ne m’a répondu.
— Je commence à vous suivre, fit la dame. Si je comprends bien ce que vous dites, c’est que l’Esprit de Noël doit d’abord se vivre dans le cœur des gens. Et cet état de joie, de paix et de gratitude doit se vivre ensuite tous les jours ? Et il doit même être partagé avec les autres ? chercha à savoir en rafale la dame qui comprenait maintenant en profondeur les dires du vieil homme.
— Oui, très exactement, répondit l’Esprit de Noël qui releva la tête et commença à avoir des étincelles dans les yeux.
— Vous savez, cher homme, je comprends tout à fait ce que vous affirmez, confia la dame. J’ai de nombreuses fois dans ma vie rencontré des gens qui n’avaient pas cette lumière en leur cœur. Esprit de Noël, quel serait votre vœu le plus cher en cette nuit qui précède Noël ? demanda l’hôtesse devant la peine du visiteur qui semblait durer depuis longtemps.
— Vous savez, gentille dame, je me fais vieux. Je voulais simplement livrer mon message, avoua l’homme avec humilité.
— Alors quel est-il votre message ? demanda formellement la dame qui était prête à l’écouter pour elle-même le transmettre à sa façon.
— Mon message est simplement que l’Esprit de Noël se doit de durer des siècles durant et de vivre infiniment dans le cœur des gens. Mais pour que cela se produise, à chaque instant, les hommes et les femmes de la Terre doivent vivre avec les gens qui les entourent comme si c’était Noël tous les jours. Ils doivent s’aimer, s’entraider, partager et sourire à chaque instant de leur vie et se réjouir de cette Lumière en leur cœur car l’Amour et la Lumière sont les vecteurs d’un monde meilleur.
— Et bien, merci, Esprit de Noël de m’avoir livré ce message. Je dois vous dire que j’ai une bonne nouvelle pour vous, je peux peut-être vous aider à partager votre si noble et si grand message, déclara la dame, confiante et bien sérieuse en mettant sa main sur son cœur.
Sur ces paroles, l’hôtesse aux yeux brillants de joie se leva et se rendit dans son armoire dénicher quelque chose. Elle le mit dans sa poche et revint vers le vieil homme. À cet instant, la dame à la chaumière illuminée sortit de sa poche une clé tout en or et la remit à l’Esprit de Noël.
— Voici ! annonça-t-elle tout enjouée. Je vous fais cadeau de cette clé. Elle est la clé qui ouvre le cœur de toutes les chaumières afin que vous y déposiez cette Lumière qui fait briller l’Esprit de Noël dans le cœur des gens.
— Je ne comprends pas, fit le vieil homme, que dois-je faire de cette clé, comment l’utiliser ? balbutia celui-ci le regard rempli d’étonnement.
— Vous savez, cette clé est magique. Elle se multiplie quand on la donne. Sur le chemin du retour, vous n’aurez qu’à la déposer dans la boîte aux lettres de chaque maison que vous rencontrerez. Chaque fois que vous la donnerez, une autre clé et une autre apparaîtront dans votre main.
— Mais à quoi sert-elle ? Comment est-ce possible qu’une clé m’aide à transmettre mon message ?
La dame à la chaumière illuminée expliqua :
— Et bien, comme je vous disais, cette clé est la clé qui ouvre la porte de tous les cœurs. Les gens eux-mêmes ne savent pas que leur cœur est fermé. En trouvant cette clé si reluisante et si dorée dans leur boîte aux lettres et en la prenant dans leurs mains, par effet de surprise leurs cœurs s’ouvriront automatiquement à l’Esprit de Noël et votre lumière si grande qui accompagnera chaque clé touchera leur cœur. Cette magie de l’Esprit de Noël, cette lumière brillante et scintillante, grandira et s’installera en eux et ils comprendront enfin votre message si grand et si noble.
— Et comment cela se produira-t-il ? Comment sauront-ils que l’Esprit de Noël doit durer toute l’année durant ?
— Et bien, ils le sauront dorénavant instinctivement, car pour la première fois de leur vie, en touchant cette clé, leur cœur sera empli de cette Lumière, alors ils le comprendront d’une façon nouvelle, comme par magie, comme jamais ils ne l’auront compris auparavant, car ils sentiront cette magie en eux et leurs cœurs s’illuminer chaque fois en touchant la clé ! Et ce sentiment grandira en eux et les accompagnera des jours durant. Ils voudront ainsi conserver en eux cette magie de l’Esprit de Noël.
Le vieil homme tout ému prit la clé et essuya quelques larmes.
— Merci infiniment, chuchota l’Esprit de Noël, comment puis-je vous remercier, fit-il en regardant dans ses propres poches à la recherche de quelque chose à donner à la dame en retour. Personne ne m’a jamais aidé ni compris de cette façon.
— Vous savez, vous m’avez déjà fait cadeau de votre présence, moi qui me sentais si seule. Ce soir, dans votre désespoir, votre Lumière intérieure a été attirée par la mienne ; ensemble nous avons réchauffé nos propres cœurs et avons fait grandir cette Lumière. N’est-ce pas un peu cela l’Esprit de Noël, faire grandir ensemble cette Lumière ?
L’esprit de Noël sourit, essuyant encore quelques larmes.
— Oui, vous avez bien raison, acquiesça le solitaire également, les yeux remplis d’étincelles.
— À notre tour, poursuivit la dame, avec ces clés qui se multiplieront, nous transmettrons cette Lumière, l’Esprit de Noël, un peu à notre façon et elle grandira dans le cœur de tous. Que de transmettre cette Lumière est pour moi le plus beau cadeau qu’on puisse me donner.
Le vieil homme sourit. Lui, qui avait maintenant retrouvé son sourire et sa joie de vivre grâce à cette dame aux clés magiques, sentit l’appel pour poursuivre sa route et transmettre son message. Il remercia la dame de son grand cœur et lui promit de revenir la visiter. L’Esprit de Noël partit donc avec cette clé magique à la main, le cœur tout léger et libéré de sa tristesse.
Ainsi, dans la nuit de Noël qui s’était installée, on vit un vieil homme se promener de maison en maison dans une lumière toute scintillante. Il n’eut plus eu froid, car cette lueur, si grande maintenant qu’il avait installée en lui avec cette clé, lui réchauffa le cœur et son Être tout entier.
Instantanément, quand il déposa des clés dans les boîtes aux lettres, toutes les chaumières, les demeures et les maisons devinrent lumineuses comme par magie. Elles brillèrent de l’intérieur comme jamais il n’avait vu dans sa propre vie des maisons briller. C’est alors qu’avec cette magie qui se produisit toute la nuit devant ses yeux, l’Esprit de Noël sut qu’il n’en était pas à ses derniers jours. Il avait lui-même, grâce à cette clé magique, remis plus de lumière dans son propre cœur pour ensuite transmettre à son tour, à travers le temps et des siècles durant, l’Esprit de Noël dans le cœur des gens.
