L’autisme, ou le monde de l’injustice

Parution le 1er septembre 2016 sur le : www.huffingtonpost.fr

La vie fait drôlement les choses. Pendant dix ans, avant d’avoir des enfants autistes, j’ai travaillé dans une institution financière. J’ai été celle qui effectuait les transactions bancaires pour les gens. J’en ai servi et j’en ai vu des personnes de toutes classes sociales, de toutes sortes de milieux, handicapées ou non, riches ou pauvres.

Maintenant, depuis dix ans, je navigue dans le monde de l’autisme, un monde où chaque jour apporte son lot de défis, de péripéties, certaines fois d’absurdités, de difficultés, de complications, spécialement quand on fait affaire avec les différents systèmes qui nous entourent…

En quelque sorte, on pourrait dire qu’avec l’autisme qui est arrivé dans ma vie, j’ai été basculée de l’autre côté du comptoir ou de l’autre côté de la médaille. En plus de vivre les problèmes de l’autisme, je me suis retrouvée ainsi devant de nombreuses injustices sociales, un peu comme celle qui s’est produite avec ce père de famille et son fils autiste qui ont vu leurs comptes bancaires radiés à la Caisse d’Epargne après que le garçon ait été quelque peu dérangeant lors d’une transaction bancaire.

J’avoue, si je regarde dans mon bagage passé et autour de moi, que cette situation de ce père avec son fils autiste ressort du lot et est tout à fait déplorable. Certes, dans l’autisme, on a l’habitude de se faire montrer la sortie, de se faire refuser, de se faire juger, mais de là à se faire radier des comptes bancaires, surtout après que le compte du père ait été ouvert depuis 25 ans, c’est bien la première fois que j’entends parler d’une affaire pareille.

Honnêtement, pour avoir moi-même vécu les deux côtés de la médaille, j’ose croire ici que de radier les comptes de ces deux personnes vient d’une simple erreur de jugement ou d’un geste irréfléchi de la part de ce service. J’ose croire que la personne qui a été jusqu’à fermer les comptes bancaires et envoyer une lettre peut voir cette erreur, ce manquement. J’ose croire que ces gens derrière les règles pour transiger l’argent sont un peu humains, car ils pourront ainsi consentir à cette erreur qui est humaine.

J’ose croire, oui, parce que j’ai été une personne humaine derrière le comptoir avec de la compréhension et un cœur. Sinon, ce serait à n’y rien comprendre. Dans les faits, il ne s’agit pas ici de fraude, de vol ou de chèques sans provision mais d’une situation X qui s’est produite. Pour ce que j’en sais, il s’agit d’un père qui a fait de son mieux dans un contexte difficile, voire même stressant, avec son fils au moment où il a retiré de l’argent et parce que son fils est autiste.

Mais pour je ne sais quelles raisons, on a mal évalué la situation. On l’a mal interprétée. On a peut-être réagi trop vite. Il y a eu un manque de communication. Ou même, on ne comprend pas l’autisme. L’autisme, ça ne suit pas les règles ni les conventions sociales. Ça se pointe un peu partout, n’importe quand, et n’importe comment.

Même si l’argent dicte la règle trop souvent, et que compassion ne rime pratiquement pas avec argent, ici, dans ce cas, la ligne de conduite est dépassée, non pas par le garçon autiste ou son père, mais bien par l’institution bancaire. Il est évident que l’on doit rendre à cet homme et son fils autiste leur compte bancaire.

Pour tout dire, j’ose espérer pour ce père et sa paix d’esprit qu’il y aura réparation et même compensation pour lui et son enfant. Les gens ne sont pas des numéros que l’on peut soustraire quand bon nous semble. Si cette situation démesurée s’était produite pour moi, j’aurais agi comme ce père en dénonçant cette flagrante injustice. Et si j’étais directrice de ce service, je m’empresserais de rétablir la situation en faisant des excuses publiques. Faute avouée est à moitié pardonnée.